PASSION DES VINS

BORDELAIS, LA JURADE, GARANTIE DE BONNES MOEURS...

BORDELAIS, LA JURADE, GARANTIE DE BONNES MOEURS...

Magnifique et attachante petite cité moyenâgeuse, Saint-Émilion a d'autres titres de gloire que son site mirable et son riche passé... c'est la patrie d'un vin très honorifique dont la renommée antique a fait le tour du monde. Déjà, l'illustre poète-proconsul Ausone, dans sa villa située sur le territoire de la commune, récoltait d'excellents vins, ce qui lui fit écrire “La Gloire de Bordeaux n'est pas moins grande à Rome que celle de notre vin ».
Un charme poétique et troublant se dégage de cette vieille cité ponctuée d'églises, de couvents, de chapelles du passé, monuments historiques où tout semble fleurir des belles choses de jadis. Cette cité, alors filleule de Bordeaux, brille d'un pur éclat au Moyen-Age. Elle est demeurée un précieux reliquaire de vieilles pierres de France : vestiges de murailles percées de fenêtres ogivales, Tour du Roi, remparts, église monolithe, collégiale, cloître, ruelles tortueuses dont les pavés escaladent la colline plantée de cyprès noirs... voilà l'image de ce pittoresque village girondin.

LA JURADE, GARANTIE DE BONNES MOEURS

Village où défile, à l'heure du ban des vendanges, le cortège des membres de la Jurade en longues robes rouges. Le docteur Pierre Bertin-Roulleau, feu mon père, rapporte que dans la Juridiction de Saint-Émilion, au Moyen-Age, la Jurade (c'était en quelque sorte le Conseil Municipal) désignait chaque année plusieurs habitants de Saint-Emilion. Sous le nom de visiteurs de vigne, ceux-ci parcouraient le vignoble pour apprécier l'état de la vendange et son degré de maturité, après quoi ils décidaient de l'ouverture des vendanges. Les Jurats, ces magistrats municipaux, fixaient la date du commencement de la cueillette, c'était le Ban des vendanges. Tout d'abord on récoltait les petits vins puis, un ou deux jours plus tard, avaient lieu les vendanges des grands vins, ou grands vignobles. Les contrevenants étaient passibles de très fortes amendes. Pour garantir que la vendange recueillie était du cru de la Juridiction, elle ne pouvait pénétrer en ville que munie d'une marque ou “Piquette”.

Le piquètement des vendanges était fait par des Jurats spécialement nommés dans chaque paroisse et assistés du syndic.

Les magistrats municipaux de Saint-Émilion luttèrent pendant tout le Moyen-Age avec une inlassable constance pour la sauvegarde de l’appellation “vin de Saint-Émilion”.

Pour donner aux consommateurs toutes les garanties d'origine possibles, la Jurade médiévale édicta une série de règlements draconiens et de mesures vexatoires propres à décourager d'éventuels abus.

Dès le Moyen-Age, on voit s'affirmer la notion : “Seuls les vins récoltés dans les limites de la Juridiction de Saint-Émilion ont droit à l'appellation : Saint-Émilion”.

EXTRÊME DIVERSITE DES TERROIRS DE SAINT-EMILION

Le vignoble de Saint-Émilion constitue une région de quasi monoculture, la vigne y règne de façon absolue et emplit tout le paysage. Si vallées, plateaux et côtes apportent à ce paysage une agréable diversité, la vigne s'étendant à perte de vue en est le dénominateur commun.

Huit communes, anciennement réunies en une même « Juridiction », constituent le vignoble de Saint-Émilion proprement dit : Saint-Emilion, Saint-Christophe-des-Bardes, Saint-Etienne-de-Lisse, Saint-Hippolyte, Saint-Laurent-des-Combes, Saint-Pey-d'Armens, Saint-Sulpice-de-Faleyrens, Vignonet, auxquelles il convient d'ajouter une partie de la commune de Libourne. Voilà pour Saint-Emilion, avec une surface de 5.200 hectares et une production moyenne de 230.000 hectolitres. Il faut ajouter les satellites : Montagne Saint-Émilion, Lussac Saint-Émilion, Puisseguin Saint-Émilion, Saint-Georges Saint-Émilion. Avec ces quatre satellites, on arrive à une production de 433.000 hectolitres.

L'extrême diversité des terroirs explique aisément les caractères très différents des vins produits ; ne compte-t-on pas jusqu'à sept familles de terroirs très typés ? Sept familles de terroirs… En fait, si l'on retient les côtes, les graves et les plaines, on remarquera déjà combien ces différences conditionnent la qualité des vins.

CÔTES, GRAVES ET PLAINES

Sur les côtes, à partir de 50 mètres, le sous-sol est argilo-calcaire, calcaire ou argilo-siliceux, et sur les pentes de ces côtes (souvent de sable gris clair) on récolte les meilleurs vins, corsés et riches. Sur les graves, constituées par des limons, ce sont des vins légers et délicats et aussi quelques crus parmi les plus célèbres.
Enfin dans la plaine, au pied du côteau de Saint-Émilion, sur une terrasse faite de graviers, de sables et d'argile, on récolte des vins plus légers.

Des terroirs sans lesquels le Saint-Émilion ne serait pas un Saint-Emilion ; mais des terroirs aussi qui ont besoin pour s'exprimer, par l'intermédiaire des vignes qu'ils portent et nourrissent, d'être maîtrisés et dominés par l'homme.

La surface moyenne des propriétés viticoles n’excède pas 10 hectares, et le propriétaire-récoltant est, dans de très nombreux cas, un vigneron, un artisan de la vigne menant pratiquement seul son vignoble. Il y a bien sûr les grandes propriétés, les domaines de plusieurs dizaines d'hectares, les crus réputés. Mais tous les vignerons du Saint-Émilionnais ont un point commun : ce sont des artisans de la vigne.

LE CÉPAGE MERLOT DONNE DES VINS SOUPLES

En fonction de la composition du sol, de sa profondeur, de son orientation, le vigneron a adopté un cépage plutôt qu'un autre.
Ici, à Saint-Émilion, c'est surtout le Merlot (55 à 60%) qui donne des vins souples et mûrissant rapidement.

Le Cabernet franc, appelé Bouchet en Gironde, intervient pour 30 à 35% et le Cabernet Sauvignon pour 5 à 15%. Voilà pour la moyenne, mais des vignobles réputés s’éloignent de cette moyenne, jugeant tel ou tel cépage mieux adapté à leur terroir. Le professeur Henri Enjalbert ne rappelle-t-il pas que Château Ausone a un encépagement à 50? Merlot et 50?Cabernet franc tandis que Cheval Blanc a davantage de Cabernet franc 60% et seulement 33? Merlot. Figeac lui, par contre, se rapproche des crus médocains quant à l’encépagement : 35?Cabernet Sauvignon, 35?Cabernet franc et 30? Merlot.

LE REPAS DES BÉCASSES

La palette des Saint-Émilion est si large que leur mariage se fait avec de très nombreux mets et préparations culinaires. Plus le Saint-Émilion est jeune et puissant, et plus ses affinités le conduisent à rechercher des mets au goût affirmé. Et inversement. Un vin vigoureux pour le gibier, pour la célèbre lamproie ou l'entrecôte bordelaise ; un vin plus évolué sur le rôti ou le gigot. Les vieux Saint-Émilion font merveille sur la volaille. Georges Chailleau, personnage imposant, - il pesait quelques 110 kilos - grand vinetier de la Jurade, ami de notre famille, se plaisait à nous compter dans les années 1950 le célèbre repas de bécasses qu'il faisait chaque année avec des amis à la migration des bécasses sur la fin novembre. Un gibier qu'il considérait comme des plus fins et qu'il affectionnait rôti. Et de comparer le fumet des bécasses rôties au bouquet des vins vieux de Saint-Émilion, avec leurs senteurs de sous-bois à l'automne, de champignons et quelquefois de truffes.

Les ortolans cuits dans leur caisette, enrobés de leur graisse sublime, le civet de lièvre au Saint-Emilion, le salmis de palombes, les grives de vigne grillées… « Les vins de Saint-Emilion ont une grande renommée sur ces plats dignes des dieux » assurait notre grand vinetier dans ses propos de « Sciences de Gueule ».

Claude Darroze, cuisinier à Langon, nous suggère, lui, quelques autres préparations : sur un pintadeau rôti ou bien aux choux, un Saint-Emilion dont le parfum cassis mêlé réglisse soulignera la finesse de la volaille; des vins généreux et tanniques de Lussac-Saint-Émilion, Puisseguin-Saint-Émilion pour accompagner un caneton rôti ; des vins corsés et épicés de Saint-Émilion de la côte calcaire ou de Fronsac sur des aiguillettes de canard.

Quant à la palombe qui a survolé tous les grands vignobles du bordelais, elle aime tous les crus rouges de cette région, dont les Saint-Émilion et Fronsac, sans pour autant négliger les médocs et les graves, ses plus goûteux partenaires.

CANON-FRONSAC, FRONSAC… ET LE DUC DE RICHELIEU

C’est au Maréchal-duc de Richelieu, duc de Fronsac, gouverneur de Guyenne, que les vins de Fronsac ont dû leur présence à la cour de France où ils connurent un vif succès.

Entre Isle et Dordogne, tout près de Libourne, le vignoble Fronsac étale ses mille hectares sur les côteaux de sept communes.

Avec Saint-Émilion et Pomerol, leurs cousins germains du Libournais, ils partagent des caractéristiques communes : vins racés, charnus, d'une saveur très personnelle légèrement épicée.

Ils acquièrent en bouteille, après quelques années, bouquet et harmonie. Leur couleur rubis, très particulière, préface au plaisir de leur dégustation.

Vin de garde bien charpentés, très racés, à haute teneur en tannins, les Fronsac s’harmonisent parfaitement avec les gibiers. Alliance charmante qu'un Fronsac et une grive d'automne gavée de raisins.

POUR TOUT CE QUI VIT DANS L’EAU…

Si lamproie aux poireaux et vins de Saint-Émilion sont un triomphe culinaire, les huîtres du bassin d'Arcachon, les plates, plus charnues que les creuses, que l'on gobe avec une saucisse brûlante et un verre de vin blanc de l'Entre-Deux-Mers sont une habitude gourmande du bordelais.

La Gironde offre en effet tous les poissons et crustacés de l'océan et des fleuves. Un terroir, entre Garonne et Dordogne, des marées remontant deux fois par jour, les fleuves qui se rejoignent au Bec d'Ambès, justifient ainsi la formule apparemment osée : entre-deux-mers. Dans ce vignoble, le plus vaste de France d'une même appellation d'origine contrôlée régionale, trois cépages, Sauvignon, Sémillon et Muscadelle donnent des vins blancs secs typés.

Le Sauvignon, agréablement fruité, apporte l’arôme un peu sauvage, aux senteurs de poivre, de lierre, genêt, feuille de cassis, la fraîcheur également. Cépage typiquement bordelais, le Sémillon ajoute finesse et parfums délicatement présents. Son équilibre gustatif est aussi très apprécié. Quant à la Muscadelle, elle apporte dans le trio son arôme légèrement typé de muscat qui flatte la papille.                                                         

Mosaïque de terroirs et de paysages très variés, l'Entre-Deux-Mers produit une palette de vins blancs secs pleins de fantaisie et de fraîcheur.

A la région vallonnée qui lui a donné son nom, l'Entre-Deux-Mers semble avoir emprunté la rondeur et la souplesse qui le rendent agréable à boire en toutes occasions, pour le plaisir. Frais, sec et fruité, il est le compagnon idéal des fruits de mer et fera d'excellents mariages avec des poissons préparés simplement : grillades, fritures, cuisson vapeur, nages légères qui gardent le naturel au poisson.

On préférera sur les huîtres un Entre-Deux-Mers d'arôme discret, léger mais bien présent en bouche, frais mais sans excès, pour trouver sa correspondance avec le sel et l’iode du jus de l'huître. Il doit « relever » l'huître sans l’écraser. Fruité sans la moindre verdeur, délicatement aromatique, sans rudesse ni degré alcoolique accusé, il développe des saveurs subtiles, légères, mais bien présentes en bouche, qui en font un merveilleux compagnon des crustacés. Une sardine grillée ou cru-marinée sera en excellente compagnie avec un sauvignon de l'Entre-Deux-Mers assez mûr.

Car l'Entre-Deux-Mers a des nuances délicates et multiples. Il n'y a pas une saveur pour ce vin mais plusieurs - certaines plus légères, plus fines, d'autres plus fortes, plus colorées - qui dépendent à la fois du sol d'origine et de l'exposition.

LES GRAVES BLANCS AFFECTIONNENT LES POISSONS

Les vins de Graves tirent leur nom du sol qui les a vu naître et qui s'étend des portes de Bordeaux jusqu'à Langon : cailloux roulés et polis où le cep de vigne faufile très profondément ses racines, c'est là une véritable terre d’élection pour vins fins. Rabelais qualifiait déjà ces vins de « galants » et « voltigeants ». Leur élégance et leur race les font classer parmi les meilleurs vins blancs du monde. Dans l'appellation Pessac-Léognan, ces Graves blancs secs, surtout de cépages Sauvignon et Sémillon, ont une belle couleur jaune paille assez pâle qui provient de leur élevage en barriques de chêne. Suivant les crus, ce vieillissement peut se faire (jusqu'à 100? la récolte) en fûts neufs.

Ces blancs secs très complets ont la particularité de vieillir jusqu'à 20 ans, voire davantage. Ils deviennent de plus en plus dorés et ont des arômes très fins, parfois vifs, rappelant le tilleul et le genêt.

Cette région de formation graveleuse, ce terroir du vignoble des Graves présente de très grandes différences de constitution entre le nord et le sud. La nature des sols, loin d'être homogène, varie constamment, relevant des zones argilo calcaires ou fortement argileuses, ou encore des graves pures, sables et cailloux. Cette diversité, ce hasard géologique, expliquent la grande variété des vins produits dans les Graves. Sur ces sols variés prospèrent, côte à côte, des vignes rouges donnant des vins remarquables, parfois exceptionnels, et des vignes blanches donnant des vins secs, moelleux ou liquoreux de très grande qualité.

Dans le prolongement des banlieues immédiates de Bordeaux, ouest et sud, sur les communes de Pessac, Talence, Gradignan, Léognan et quelques autres, on récolte des vins blancs secs infiniment racés à côté de vins rouges d'une extrême finesse. En descendant vers le sud, sur les terrains de graves assez légères de Labrède, Portets, Podensac, les vins blancs sont excellents, moelleux, souples et très recherchés.

L'extrémité méridionale de la région des Graves, qui contourne et enserre la région si particulière du Sauternais a, elle aussi, des caractéristiques très personnelles. Les vins sont beaucoup plus moelleux, voire liquoreux (Graves Supérieures).

Un sol de cailloux roulés et polis tout à fait particulier, l'emploi exclusif de trois cépages (Sauvignon, Sémillon, Muscadelle), le rendement le plus faible autorisé pour les vins blancs secs et une récolte plus tardive que dans le reste du Bordelais : ces facteurs conjugués contribuent à donner les plus grands vins blancs secs du Bordelais. Les Graves blancs secs allient la nervosité et la sécheresse des très bons vins blancs à une puissance et une complexité que l'on attribue généralement aux rouges.

Ces vins ont un arôme primaire fruité et séveux qui rappelle les terroirs, les parfums de fleurs, réséda, acacia, genêt ou encore ceux de certains fruits à noyau ou de fruits confits et miel.

Cet arôme primaire des Graves jeunes se transforme au fur et à mesure du vieillissement en véritable bouquet où les senteurs de pierre à fusil dominent. Splendeur et mystère des Graves, vins blancs secs de Bordeaux qui peuvent vieillir avec autant de talent qu'un Bourgogne blanc.

Selon l'origine, il est possible de trouver des Graves secs de 5, 10 ou même 20 ans, ayant conservé et développé leurs arômes sans se madériser.

Les Graves blancs vieux ont ainsi leurs années exceptionnelles, les mêmes que celles des graves rouges : 1970, 1975, 1976 et 1978.

Au nord, autour de Léognan et de Pessac, le sol constitué de petites graves très fines et le climat très sec ont donné naissance aux crus classés des Graves de l'appellation Pessac-Léognan.

Au sud, autour de Cérons et Podensac, la teneur du sol fait de graves plus lourdes et plus rustiques, alliée à un microclimat original (légers brouillards le matin) permettent de produire des vins différents de ceux du Nord, légèrement plus tendres et plus gouleyants. Un Graves du Sud aux arômes de pêche et de noyaux s’allie très bien avec une sardine cru-marinée.

Mais laissons les Graves blancs secs flirter avec les fruits de mer, les crustacés à la nage ou grillés et les poissons, pour permettre aux Graves liquoreux, vins puissants au bouquet très prononcé, de se marier avec les poissons en sauce…

SUBLIMES SAUTERNES ET AUTRES LIQUOREUX

Le plus illustre vin blanc du monde est récolté dans une des plus petites régions du Bordelais. Le Sauternais se réduit en effet à cinq communes : Sauternes, Barsac, Bommes, Preignac et Fargues.

Ainsi, entre la Garonne, la rivière du Ciron et la pinède, se groupent les soixante et quelques domaines avec « leur roi » : Yquem, qui se partagent le privilège de produire une liqueur dont le seul nom à l'étranger évoque l'idée de la qualité française.

Le Sauternais est une terre miraculeuse se parant de tous les charmes mystérieux de ces royaumes féériques et légendaires que l'imagination a inventé pour nous soustraire à la tristesse et à l'ennui ».

Jeune, le Sauternes est un vin nerveux, aux arômes de fruits et de fleurs. Mais il perd très vite ces caractéristiques pour acquérir ses parfums propres, dus à sa vendange particulière. Outre la richesse en sucre (18 à 20°) la « pourriture noble » permet le développement de nombreuses substances aromatiques très originales qui donnent sa saveur particulière, rappelant les raisins secs, les fruits très mûrs (abricots, pêches) ou les fleurs les plus délicates (acacia, chèvrefeuille). Une saveur que ne détruit pas le temps, bien au contraire. Les Sauternes vieillissent mieux que les vins rouges (certains millésimes pouvant devenir centenaires) et acquièrent au fil des ans le moelleux, la race et le corps qui font leur célébrité.

Vin unique par son originalité, le Sauternes est aussi un vin rare, la qualité excluant la quantité. Du fait de la surmaturation, le vignoble de Sauternes et Barsac a un rendement très faible (2 à 3 verres par pied de vigne et par an). La variété du sol et du sous-sol donne un caractère particulier au vin produit. Cela permet de comprendre les nuances qui existent entre les vins des différentes communes, et parfois dans une même commune entre les vins de divers crus. Chacun des trois cépages apporte au vin son caractère, le Sémillon la rondeur et la souplesse, le Sauvignon énergie et vigueur, et enfin la Muscadelle le parfum de muscat.

Autres liquoreux, Cérons, plus léger que Sauternes mais aussi plus nerveux, possède un corps, un moelleux, un velouté et une finesse remarquables.

Les Loupiac et Sainte-Croix-du-Mont, liquoreux frères des Sauternes et Barsac, fins, fermes et généreux, ont eux aussi beaucoup de distinction.

Sainte-Croix-du-Mont est peut-être le liquoreux le plus accompli après Sauternes Barsac.

Tous ces liquoreux sont de grands polygames et peuvent de ce fait réussir de parfaites unions : sublimes avec le foie gras, très réussies avec les viandes blanches les gibiers et volailles (canards rôtis, pintades, faisans, ortolans), fromages onctueux, melons, sorbets, fruits au naturel ou rafraîchis, fruits secs, noix, amandes. Le registre est étendu.

Les liquoreux s'épanouissent parfaitement sur un poisson noble en sauce, tel que turbot, sole, saumon, car ils s'accordent à la douceur de la crème. Il leur faut une cuisine faite de souplesse et d'imagination. Les liquoreux apportent des harmonies inédites avec l’alose grillée, poisson de l'estuaire de la Gironde. Claude Darroze, grand cuisinier à Langon, considère que si, pour le homard ou la langouste, un grand vin sec de Graves, pourvu qu'il soit mûr, concentré, avec quelques années de bouteille, a naturellement sa place, un vieux Sauternes d'une grande année apporte de singuliers plaisirs. Son bouquet intense, la richesse de sa constitution s'harmonisent au mieux avec la chair succulente et giboyeuse du homard ou de la langouste.