Historique des Femmes en Champagne
Le champagne est le symbole universel de la fête par excellence, de l’amour, de moments heureux et de grandes réussites. Il a fallu attendre le19ème siècle pour que le champagne devienne « mousseux doré ».
Le vin existe depuis plus de 7 000 ans ! Les efforts de « femmes clés » ont transformé son statut de simple vin trouble en élixir de luxe. Pour bien comprendre le rôle des femmes en Champagne, il est important de revenir sur la façon dont le champagne est devenu « champagne ».
Les anecdotes entourant l’abbaye bénédictine française d’Hautvillers, Dom Pérignon et le scientifique, médecin et métallurgiste anglais, Christopher Merrett, ont souvent été créditées de l’invention du champagne. Cependant, la vérité est que le champagne fut en fait un effort de collaboration impliquant beaucoup de monde pendant de nombreuses années.[1] Dom Pérignon et Christopher Merrett ont certes joué un rôle important, Dom Pérignon étant à l’origine de la plupart des expériences avec le vin mousseux. Il a également développé de nombreuses techniques, encore utilisées aujourd’hui, telles que l’assemblage de différents cépages ou l’élevage du vin en bouteilles. Christopher Merrett, de son côté, a publié un livre décrivant le processus de fabrication du vin mousseux. Le travail de Merrett a par ailleurs grandement contribué à populariser le champagne dans toute l’Europe.
Le tournant s’est produit au 17ème siècle lorsque les vins tranquilles ont délibérément été convertis en vins pétillants. Les cavistes et vignerons champenois ont alors poursuivi inlassablement leurs efforts pour créer ce nouveau type de vin. Ils ont expérimenté différents cépages, méthodes de fermentation et formes de bouteilles. L’une des innovations les plus importantes a été l’emploi de raisins de meilleure qualité. Les Champenois se sont rendu compte que certains cépages, comme le Pinot Noir ou le Chardonnay, étaient mieux adaptés que d’autres à la fabrication du vin effervescent. Ils ont également découvert que la récolte précoce des raisins permettait de préserver l’acidité, essentielle au vin effervescent. Autre découverte importante : le processus de dégorgement. Il s’agit de la récupération des cellules de levure mortes dans la bouteille après la deuxième fermentation. Le dégorgement permet d’obtenir un vin plus clair et plus pétillant. Les Champenois ont également expérimenté différentes formes de bouteilles. Ils se sont rendu compte qu’une bouteille plus solide était nécessaire pour résister à la pression du dioxyde de carbone. Ils ont également découvert qu’un col plus épais aidait à maintenir le bouchon en place. La création du champagne a été un processus long et ardu, mais il a finalement été couronné de succès. Le champagne est aujourd’hui l’un des vins les plus populaires au monde, et il est apprécié par des personnes de tous âges et tous horizons. La création du champagne a été le fruit d’un travail collaboratif qui a impliqué maintes personnes pendant de nombreuses années. Si Dom Pérignon et Christophe Merrett n’ont pas inventé le champagne par eux-mêmes, les négociants et vignerons champenois ont joué un rôle essentiel dans l’élaboration de ce vin de renommée mondiale.
Au 18ème siècle le champagne gagne en popularité. Le roi de France, Hugues Capet, et le duc d’Orléans ont tous deux bu du champagne lors de dîners officiels. L’effet domino a entraîné une forte augmentation de la demande. Les grandes Maisons de champagne ont été fondées pour répondre à la demande croissante de cette boisson gazeuse tendance. Gosset, fondée en 1584, est la plus ancienne « Maison » encore en production, élaborant à l’origine un « vin tranquille ». En 1729, Ruinart est le premier producteur de vin effervescent à ouvrir les portes de sa cave, suivi de Taittinger (anciennement Forrest Fourneaux) en 1734. Moët les suivit peu après en 1743, puis Lanson en 1760, Louis Roederer (anciennement Dubois Père & Fils) en 1770, Veuve Clicquot en 1772 et Heidsieck en 1785. [2] En 50 ans, la production de champagne est passée de 300 000 à 20 millions de bouteilles.[3]
Il y a une longue histoire de dirigeants révolutionnaires en Champagne, lesquels ont ouvert la voie aux chefs de caves et aux chefs de Maison de champagne d’aujourd’hui. Certains étaient des visionnaires, d’autres des innovateurs, d’autres encore des spécialistes du marketing ou des leaders nés, mais ils avaient tous une chose en commun, leur passion pour la valorisation du champagne.
Les Maisons de champagne, comme toutes autres entreprises en France au début des années 1800, étaient traditionnellement transmises de père en père. Lorsque le mari mourrait (souvent à un jeune âge dans les guerres du siècle), la veuve (alias La Veuve) était souvent la ligne suivante dans des circonstances inattendues. À cette époque, les femmes célibataires ou mariées dépendaient des membres masculins de leur famille (pères, maris ou frères). Elles n’avaient pas le droit de posséder des comptes bancaires ou d’en être propriétaires. La seule façon pour les femmes d’accéder à la propriété était d’hériter en tant que veuve. La force, l’audace et surtout le regard neuf de ces veuves nouvellement indépendantes, ont conduit à révolutionner la façon dont le champagne était fabriqué et les styles que nous buvons.
Depuis plusieurs siècles, le champagne est le favori des rois et des souverains, l’élixir des courtisanes et un symbole de fête universelle. Au début de notre histoire champenoise, au 18ème siècle, beaucoup de grandes dames de l’histoire étaient aussi de grandes consommatrices de champagne. Madame de Pompadour (Jeanne-Antoinette Poisson), qui était l’une des maîtresses préférées de Louis XV, était l’hôtesse favorite pour les fêtes du roi au palais. Son champagne préféré était celui d’un négociant en vins, Claude Moët. Elle est devenue l’ambassadrice la plus en vue de la marque Moët & Chandon. Autre personnage influent, à la fois politiquement et commercialement, Catherine la Grande de Russie qui utilisait une quantité importante de vin pétillant pour affermir et mettre en valeur ses amants. Cependant, il a fallu attendre le 19ème siècle pour que les femmes jouent un rôle de premier plan dans l’industrie du champagne.
Comment, me direz-vous ?
La plus célèbre Grande Dame et veuve de champagne fut Barbe-Nicole Ponsardin-Clicquot. Veuve à l’âge de 27 ans et femme d’affaires étonnamment avisée, elle est rapidement intervenue pour sauver l’entreprise viticole de son mari. Elle a par ailleurs immédiatement vu l’opportunité d’entrer sur le marché russe à la fin des guerres napoléoniennes, ce que d’autres Maisons ont mis du temps à réaliser. Elle a fait entrer clandestinement 10 550 bouteilles dans la Russie impériale afin d’être prête pour les célébrations une fois les traités signés. Le tsar Alexandre déclara qu’il ne boirait désormais rien d’autre que son vin – approbation royale stupéfiante. Afin de répondre à la demande soudaine, elle a créé de nouvelles méthodes de rationalisation de la production afin de tirer parti de cette opportunité lucrative. Elle a mis au point le processus de soutirage lors de la deuxième fermentation, connu sous le nom de remuage, qui a permis de réduire les déchets, d’augmenter l’efficacité et de créer un produit clair et plus stable.
Le vin de Veuve Clicquot devint rapidement l’ambassadeur de la marque champagne en tant que produit de luxe. Comme la veuve Clicquot, une autre veuve, Apolline Henriot, courtisa avec succès la royauté hollandaise, autrichienne et hongroise avec son champagne. À la fin du 19e siècle, il y avait une forte préférence pour un style plus sucré et demi-sec. Louise Pommery entre dans l’entreprise de son mari en tant que femme d’affaires à l’âge de 37 ans. Éduquée dans un pensionnat anglais, elle connaissait l’affection des Britanniques pour un style de cidre et de bière plus sec. Pour elle l’Angleterre serait une grande opportunité en raison de son désir de bulles de haute qualité, ce qui représentait un marché inexploité. Elle a transformé la production de vin rouge de son mari en une entreprise de champagne florissante. Elle est passée avec succès à un style plus sec, ce qui a également changé la saveur et le profil aromatique du champagne en un goût aujourd’hui apprécié dans le monde entier et considéré comme un style de référence.
En ce qui concerne le 20 ème siècle, les femmes champenoises ont dû faire face à différents défis : la Grande Dépression, la Prohibition aux États-Unis et, surtout, les Première et Seconde Guerres mondiales. L’emplacement de la Champagne dans le nord de la France fut un carrefour militaire pendant des siècles. La région de Champagne fut détruite par les armées ennemies, les vignobles ravagés, les caves pillées, les plantations et l’entretien des vignobles perturbés. Jeanne Krug a géré l’entreprise familiale de champagne Krug après la capture de son mari par les Allemands pendant la Première Guerre mondiale. Elle a supervisé tous les aspects de la Maison pendant la guerre, a élevé leurs enfants et s’est portée volontaire comme infirmière pour la Croix-Rouge. EIle abrita troupes et citoyens dans ses caves, fonda des écoles, une chapelle et une infirmerie dans les couloirs d’élevage du vin sous la cave. Après la guerre, elle créa une organisation caritative pour aider à restaurer la ville détruite de Reims et collabora avec le gouvernement des États-Unis pour construire l’American Memorial Hospital pour enfants. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Jeanne poursuivit ses bonnes actions et fut arrêtée à deux reprises par la Gestapo pour contrebande de secrets liés à l’Espagne. Afin de négocier diplomatiquement avec l’occupant, elle fournit aux officiers de l’armée allemande des lots de vin, comme toutes les Maisons de Champagne. Elle fut respectée et remise en liberté après les deux arrestations. Elle a survécu à la guerre et reçu trois décorations du gouvernement français, la Croix de guerre, la Médaille de la Résistance et la Légion d’honneur.
Tout au long de son histoire, il est important de comprendre comment le champagne est devenu un produit de luxe si convoité, grâce en grande partie aux efforts de Camille Olry-Roederer du Champagne Roederer. Le champagne Roederer avait été le pétillant favori des tsars. Par conséquent, la révolution russe a affaibli son emprise sur le marché et, combinée à la dépression qui a suivi, entraîné une perte substantielle de revenus. Après le décès de son mari, Camille reprend les rênes et sauve l’entreprise familiale, au bord de la faillite. Elle a renoué avec la notion de glamour, d’élégance, son savoir-faire mondain avec, bien sûr, le fameux Cristal Cuvée. Elle réorganise l’entreprise et oriente son champagne vers la haute société avec Cristal qu’elle promeut sans cesse. Surfant sur l’élan de popularité de son champagne, elle commercialise la cuvée de prestige auprès des cercles de la haute société des courses de chevaux, de l’opéra, du Studio 54 à New York et de toutes sortes d’événements sociaux et de fêtes. Elle était à la fois créatrice de tendances et influenceuse glamour de sa génération, connue pour manier une main de fer dans un gant de velours.
Elizabeth (Lily) Bollinger a repris la gestion du champagne Bollinger de sa famille en 1941 à la suite de la mort de son mari pendant l’occupation pendant la Seconde Guerre mondiale. On la voyait souvent faire du vélo dans les vignes pendant l’occupation. Elle reste diplomate avec les Nazis en leur fournissant du champagne mais garde les meilleurs millésimes cachés dans ses caves qui ont été ouvertes pour les habitants d’Aÿ comme abri anti-bombes. Elle a également organisé des funérailles pour les victimes locales. Après la guerre, elle a continué à diriger le Champagne Bollinger jusqu’à sa mort en 1971. Tout au long de sa vie, elle a continué à suivre les traditions viticoles établies au cours des 100 premières années de vinification du Champagne Bollinger. Dégustatrice de vin très talentueuse, elle était réputée pour sa capacité à assembler les vins. L’une de ses plus grandes créations est « RD », qui signifie « Récemment Dégorgé » (bouteilles de vin millésimé vieillies pendant 12 ans sur lies, beaucoup plus longtemps que le minimum obligatoire en Champagne, de 15 mois). Avec ce vieillissement extra-long, ses étiquettes ont également été les premières à comporter une date de dégorgement afin que les consommateurs puissent apprécier l’âge de leur vin. Odette Pol-Roger de Champagne Pol-Roger, amie proche du Premier ministre britannique Winston Churchill, a lancé en 1975 la célèbre Cuvée Sir Winston Churchill. Ses champagnes sont appréciés pour leur élégance et leur complexité.
Aujourd’hui, bien qu’un très faible pourcentage de maîtres de chai champenois soient des femmes (un maigre 17%), 40% des domaines sont détenus par des femmes. Par ailleurs, les femmes occupent 28 % des postes de direction dans les Maisons de champagne, tandis que 70 % des achats de vin en France sont effectués par des femmes.[4] Aux États-Unis, les femmes représentent 86 % des achats de vin dans une industrie viticole de 56,65 milliards de dollars.[5] Bien que l’impact du pouvoir d’achat des femmes soit significatif dans l’industrie du vin, cette importance n’est pas corrélée au statut social, culturel et économique des femmes qui travaillent dans l’industrie.
Néanmoins, des progrès significatifs ont été accomplis pour un avenir radieux et étincelant.
[1] https://maisons-champagne.com/fr/encyclopedies/bibliotheque-umc/ouvrages-historiques/le-champagne-dans-la-grande-histoire/article/qui-a-invente-le-champagne
[2] https://theChampagnecompany.com/blog/history-of-Champagne.html
[4] https://www.instagram.com/p/CpcvtrvNdA8/ ?utm_source=ig_web_copy_link&igshid=MzRlODBiNWFlZA==
[5] https://www.statista.com/outlook/cmo/alcoholic-drinks/wine/united-states#:~:text=Revenue%20in%20the%20Wine%20market,US%2456%2C650.00m%20in%202023).